Une couverture qui en jette, une quatrième de couverture irrévérencieuse et drôle, une BD des éditions AAARG ! Il n’en fallait pas plus pour que je me jette à corps perdu dans ce « Cafardman ». Et quelle bonne idée j’ai eu là.
Titre : Cafardman
Scénario : L’Abbé
Dessins : L’Abbé
Pagination : 91 pages
Editeur : AAARG !
Sollicitation : A Vierzon, dans un futur post-apocalyptique profondément désolé, règne le parti unique de L’Ordre Vert, dictature écologiste ayant détruit toute chose « non-bio ». Autant dire à peu près tout. Dans cette ville en ruines mais habitée, un justicier à gueule de cafard (et à l’esprit aussi vif), s’efforce de sauver la veuve et l’orphelin, tout habillé de cape et de collants – comme il se doit. Las, toutefois, Cafardman est en quête de l’ultime pièce mécanique qui lui permettra de quitter ce bled pour le grand voyage, au volant de sa moto, antennes au vent, prêt à affronter le monde. Une parodie délirante des comics post-apocalyptiques et superhéroïques, parfois même de fantasy, truffée de séquences à mourir de rire. Très inspiré, l’univers crée par L’abbé est une mine de situations absurdes et hilarantes.
Le futur. Comme beaucoup de futurs, la Terre est dévastée. Pire, l’air est devenu radioactif. Notre héros à la tête d’insecte se fait extirper de son sommeil par un bot de l’Ordre Vert (Un parti écologiste extrémiste qui vise à la destruction de tout ce qui est non-bio). Le bot se fait gentiment remercier par une balle de « pétoire atomique »
Voilà la journée lancée pour notre héros en tenue verte. Un personnage ma foi assez maladroit et disons-le clairement, plutôt simplet. Heureusement, il peut toujours compter sur son acolyte M.Beetle qui est une blatte comme son nom l’indique.
En proie avec l’Ordre Vert, Cafardman devra s’enfuir de la « caf-cave ». Il se perdra tour à tour dans des terres dévastées séparées entre les ferrailleurs, les banquiers, les enfants du cobalt, les aut’ et les wutants. Plein de rencontres qui se passeront plus ou moins bien, mais qui amèneront leurs lots de situations absurdes et souvent hilarantes.
Car oui, Cafardman est drôle. Très drôle même. Et pour qu’une BD me fasse rire il faut y aller.
Cafardman réussit l’exploit d’être gras et subtil en même temps. C’est sûr que quand on voit la première fausse couverture avec en en-tête « Marcel comics » et en titre « épisode 1 : sale temps pour les burnes », on pouvait s’attendre à du sale.
A raison. Entre les bio-bots qui récolte les excréments humanoïdes directement à la source ( ?!?) pour asperger toutes les plantes qu’ils croisent de cette engrais naturel. Vagina, la biopute à la batterie atomique. Cet univers est complètement fou, mais bon sang qu’il est prenant.
Mais là où Cafardman se révèle subtil, c’est via ses personnages.
De par Cafardman, ses réflexions et son comportement, mais aussi par ses personnages secondaires tous immoraux ou complètement abrutis, mais toujours intéressants.
Cette qualité d’écriture nous amène à de l’humour de situation. Et ça, c’est fort.
Une réussite due à l’implication de son auteur qui a œuvré à la fois au scénario et aux dessins. Cette BD c’est son bébé et on le ressent. L’auteur se permet même un petit aparté, ce qui rajoute encore plus de personnalité à son œuvre qui n’en manquait pourtant pas.
Et comme c’est l’œuvre d’une seule personne, et que tout le monde à des idées, L’Abbé nous parle des siennes (volontairement ou pas).
Un bestiaire singulier
Les wutants, passant de l’état d’œuf à l’état adulte en quelques minutes, veulent reconquérir le territoire de l’Ordre Vert. Pour une seule et unique raison : la prophétie. Qui consiste à « travayé pour s’acheter des trucs ». Un gros taquet dans nos habitudes de surconsommation qui est d’autant plus flagrant que leur logo est un M de « McDonald » disposé à l’envers.
Les banquiers, quant à eux, n’apparaissent pas mais la description dans l’intérieur de couverture est assez explicite :
« Déjà avant la catastrophe, les banquiers avaient pour habitude de se nourrir des autres. C’est donc tout naturellement qu’ils ont trouvé leur place dans ce futur cruel et radioactif. »
L’Ordre Vert n’est pas mal non plus avec son chef digne de Dark Vador. Un Dark Vador qui aimerait les fleurs.
Attention ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, Cafardman n’est pas une BD moralisatrice et réactionnaire. Non ! Cafardman, c’est un bon gros délire nuancé par des messages cachés. Ce qui l’a rend plus intelligente qu’elle n’y parait.
Le dessin maintenant. Une grosse claque et une belle découverte. Me faisant penser à du Manu Larcenet époque Fluide Glacial, les dessins sont complètement en accord avec le récit. Précis et durs quand on est dans du sérieux, décomplexés et souples dans les autres situations. Idem pour les couleurs.
L’édition est du même moule que toutes les autres sorties de AAARG !, c’est-à-dire excellente. J’avais déjà exprimé mon amour pour ces éditions dans la critique de « Golden Boy », mais je le redis : merci les gars.
Je suis donc conquis par cet épopée que va vivre Cafardman. Le fait que toutes les factions présentées n’apparaissent pas me fait penser qu’il y aura une suite. En tout cas, je l’espère fortement. Et tachez de surveiller cet auteur talentueux qu’est l’Abbé, car à mon avis, ce n’est pas la dernière fois qu’on en entendra parler. A lire absolument !